Les défenseurs des BRIC affirment que les pays regroupés dans cet acronyme à savoir le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, présentent d’excellentes perspectives de croissance à long terme. Leur développement économique a longtemps suffi à justifier l’engouement des investisseurs mais cette mécanique commence à s’essouffler… Avec une croissance nettement plus lente, faut-il s’inquiéter de la situation des BRIC ?
Au début du 21ème siècle, de nombreux papiers de recherche attirèrent l’attention des investisseurs sur les perspectives de croissance importantes à long terme de quatre pays émergents : les BRIC. Effectivement, jusqu’en 2007 ces pays ont enregistrés des performances impressionnantes.
D’un acronyme inventé par des analystes de banques d’investissements, le concept de BRIC est devenu une réalité tangible avec l’émergence de politiques de coopération entre ces pays, des sommets entre leurs dirigeants, la création d’institutions pour le développement bancaire et un fond monétaire en cas d’urgence. Même si l’efficacité de ces institutions peut être remise en question, elles n’en sont pas moins un symbole fort pour l’identité des BRIC vis-à-vis du monde.
Mais qu’en est-il de leurs fondements économiques ? Les années 2008 et 2009 doivent être considérées comme des années « à part », les BRIC ne pouvant échapper aux effets néfastes collatéraux de la Grande Récession* dans les pays développés. Ce qui est plus décevant ce sont leurs performances depuis… Cette année, le Brésil et la Russie devraient avoir des taux de croissance négatifs tandis qu’en Chine la croissance est largement en-dessous des attentes. Seul l’Inde semble tirer son épingle du jeu avec une croissance prévue de 7,7% pour 2016 (versus une moyenne de 7,3% sur la période 2010-2015).
Petit retour en arrière, dans les années 60, le modèle de Solow & Swan prône que la croissance des pays en développement doit augmenter jusqu’à converger avec le niveau de développement des pays industrialisés. La sous-utilisation des ressources, caractéristique des pays émergents, est perçue à l’époque comme une source d’accélération de la croissance économique. Les partisans des BRIC suivirent cette même logique en considérant que l’augmentation de la population engendrerait automatiquement une hausse de celle-ci. Malheureusement, cette convergence espérée fut loin d’être validée dans les années 70, 80 et 90 et l’écart entre les pays émergents et les pays développés fut bien plus marqué que prévu.
Le modèle de Solow & Swan laissa alors sa place à la « Nouvelle Théorie de la Croissance » où l’éducation, l’équilibre des dépenses étatiques, la stabilité politique, le cadre légal sont considérés comme les facteurs de croissance indispensables et plus importants que des capacités de production sous, ou mal, utilisées.
Dès le début des années 2000, certains BRIC ont fait en sorte de mettre en place les premiers éléments favorables à une croissance plus pérenne. Le meilleur exemple est celui de la Chine. Son adhésion à l’OMC en 2001 et la hausse significative de ses exportations dans les années qui suivirent, créa un contexte de croissance important jusqu’en 2009. Mais ces phases ne peuvent être considérées comme une « norme de croissance » pour les BRIC si d’autres mesures structurelles ne sont pas prises au fur et à mesure de leur développement.
D’autres pays comme le Brésil n’ont rien fait de tel. Seul l’Inde semble être aujourd’hui dans un contexte de forte croissance soutenable et si la Chine se contente des efforts passés, elle devra s’attendre à voir sa croissance baisser.
On le voit, les facteurs de croissance peuvent être très différents dans chacun des BRIC, et ils ont tous un point commun : leur phase de forte expansion économique a pris fin au même moment en 2008 et 2009, à la sortie de la Grande Récession. Ceci fut assez surprenant étant donné les politiques monétaires accommodantes et le contexte de taux bas qui ont caractérisé cette période dans les pays développés. Ces taux planchers dans les pays « riches » n’auraient-ils pas du drainer plus de capitaux vers les BRIC ? Cela a bien été le cas jusqu’en 2013 mais cela n’a pas suffi à freiner le ralentissement de la croissance, notamment car la demande en provenance des pays développés a été plus faible.
Ces projections un peu alarmantes et les doutes des pays développés sur le potentiel de croissance des BRIC présentent aussi le risque d’être auto-réalisatrices. Avec les prévisions maussades, les capitaux commencent à se détourner des BRIC et un risque de fuite massive émerge, entraînant potentiellement ainsi une croissance encore plus faible.
Les effets vertueux des mesures structurelles passées commencent à s’estomper mais de nouvelles réformes peuvent être mises en place. D’après la recherche Commerzbank Corporates and Markets, les principaux freins à lever aujourd’hui dans ces pays sont la corruption et le manque de liberté politique.
La corruption amenant par définition à une allocation des ressources inefficiente, elle limite le potentiel de croissance de ces pays. Le rôle de la liberté politique comme facteur de croissance est lui à nuancer. D’après différentes théories, certains pays autocratiques compenseraient leur manque de liberté politique par une ouverture économique importante, justifiant ainsi la légitimité du système. Ceci a pu s’observer au Chili avec la junte militaire, en Allemagne au 19ème siècle, en Chine au cours des dernières décennies ainsi qu’en Russie sous le régime de Poutine.
Cette stratégie semble néanmoins incertaine à long terme, notamment en temps de crise où la crainte d’une remise en question de la légitimité politique pourrait freiner des « destructions créatives », nécessaires aux mutations de l’économie à travers le temps et à la croissance pérenne.
La Russie, par exemple, doit diversifier depuis longtemps son économie afin d’être moins exposée aux secteurs de l’énergie (pétrole et gaz) mais les changements se font très lentement. Ces mesures pouvant affecter négativement les groupes au pouvoir, ils freinent à se restructurer. Même type de constat en Chine avec la vague de privatisations et de fermetures d’entreprises publiques dans les années 90. Malgré l’efficacité prouvée de ce type de changements, ce processus s’est clairement ralenti depuis plusieurs années afin de ne pas bouleverser le système politique. Ce paramètre pourrait donc être le frein naturel à la croissance à long terme dans certains BRIC aujourd’hui.
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*de l’anglais Great Recession qui caractérise le ralentissement économique ayant suivi la crise de sub-primes et dérivé du terme « Great Depression » caractérisant la crise économique des années 30.
Article tiré du magazine Strike 173 / Octobre 2016