Biographie
Marc Fiorentino est un spécialiste des marchés financiers. Ancien banquier d’affaires, il est le fondateur et le dirigeant de la société de conseil financier Euroland Corporate. Il est également chroniqueur dans “Good Morning Business” sur BFM Business, animateur le week-end de l’émission “C’est votre argent” sur BFM Business, chroniqueur dans le magazine Challenges, et éditorialiste sur le site Monfinancier.com. Il est l’auteur de 7 livres dont les best-seller “Un trader ne meurt jamais”, “Sauvez votre argent !” et “ Faîtes sauter la banque !”.
Les annonces des banques centrales ont joué un rôle clé sur les marchés en 2016, pensez-vous que 2017 pourrait marquer un tournant ?
Depuis la crise de 2008 et encore plus depuis la crise de la dette européenne, les banques centrales sont à la manœuvre, Banque centrale américaine en tête. Et le tournant a eu lieu lors de la réunion de décembre de la FED. La hausse des taux de 0.25% était largement anticipée mais ce qui a été frappant c’est que Janet Yellen, la patronne de la FED, a, de fait, annoncé que la crise économique et américaine était terminée en se basant sur la croissance, sur le plein-emploi et même sur le retour d’une inflation raisonnable. Son message était clair : mission accomplie. Nous avons fait ce que nous avions à faire. Aux politiques maintenant de réformer pour relancer durablement la croissance économique mondiale.
Quelle a été votre meilleure intuition sur les marchés en 2016 ? Et votre plus grosse déception ?
J’ai suivi avec beaucoup d’attention les cours du pétrole. Et en particulier la politique de l’Arabie Saoudite. J’ai très vite compris que l’Arabie Saoudite était la « Banque centrale » du marché du pétrole et qu’elle avait décidé de siffler la fin de partie de la baisse du pétrole. J’ai joué à chaque fois les rebonds et cela m’a plutôt réussi.
Ma plus grosse déception c’est mon anticipation sur la volatilité. Comment imaginer qu’avec le Brexit, Trump, des crises politiques en Europe comme en Italie par exemple, la volatilité ne décollerait jamais ? J’ai joué à plusieurs reprises le rebond de la volatilité et je me suis systématiquement trompé.
Cela fait plus de 30 ans que vous vous consacrez aux marchés financiers et à l’actualité économique internationale. Comment trouvez-vous toujours la même passion ?
J’ai envie de vous dire : avec encore plus de passion. Nous vivons une période incroyable, inimaginable. Le mot historique est galvaudé et pourtant nous vivons l’histoire économique et financière en direct. Et le seul moyen de vivre pleinement ces mutations profondes et ces événements quotidiens qui bouleversent tous les équilibres, c’est d’être actif sur les marchés. Les marchés sont ma passion… Après ma famille…
Quelles sont vos sources d’informations privilégiées ? Vos ouvrages de référence ? Votre livre de chevet en ce moment ?
J’ai deux sources d’informations privilégiées : les médias financiers et en particulier les médias économiques et financiers anglo-saxons comme le Financial Times, le Wall Street Journal et Fortune. Mais je suis aussi de ceux qui croient que les grandes tendances économiques se ressentent sur le terrain. Je pose systématiquement des questions à tous les acteurs du quotidien de l’économie que je croise, des chauffeurs d’Uber aux commerçants, dans tous les pays où je vais et c’est grâce à ça que j’ai eu les meilleures sensations de retournements majeurs. Je ne lis pas d’ouvrages économiques. Je préfère des thrillers comme la Griffe du Chien ou Cartel de Don Winslow. J’ai également redécouvert les Grandes Espérances de Dickens. Un moment de bonheur.
Reste-il de l’espace pour votre intuition ou êtes-vous rigoureusement cartésien ?
Je me repose malheureusement sur mon intuition. Je dis malheureusement car j’ai une qualité majeure : après plus de 30 ans, je peux dire que mes intuitions se sont révélées exactes mais j’ai un défaut majeur : l’intuition ne permet jamais de définir le timing. Et avoir raison trop tôt et parfois beaucoup trop tôt c’est avoir tort. Pour le dire plus brutalement, je suis assez bon sur les tendances mais souvent mauvais sur le timing. C’est pour cela que j’investis des montants raisonnables sur mes intuitions pour être capable de les tenir pendant les mois où le marché va contre moi.
Pensez-vous que tout le monde est capable d’investir en Bourse ? Quel ouvrage conseilleriez-vous à un débutant ?
Tout le monde est capable d’investir en bourse, oui. À condition d’en avoir envie et à condition surtout de ne pas considérer la Bourse comme un casino. Au casino, c’est la banque qui gagne. À la Bourse, il est impossible de gagner face à des professionnels si on ne « bosse » pas ses dossiers, en l’occurrence les analyses et les articles sur les sociétés ou les investissements sur lesquels vous souhaitez miser et si on ne s’astreint pas à une discipline quasi quotidienne. On ne peut pas courir un marathon sans s’entraîner tous les jours ou presque. Investir en bourse c’est un marathon.
Pour 2017 vous êtes plutôt : Or ou Argent ? Pétrole ou WTI? Valeurs cycliques ou valeurs de croissance ?
Je ne cherche pas à me défausser. Ce n’est pas dans mon tempérament. Mais j’ai décidé de ne rien faire jusqu’à l’entrée en fonction effective de Donald Trump le 21 Janvier. Aujourd’hui les marchés plébiscitent largement Trump candidat et fantasment sur un rebond de l’économie mondiale dans le sillage des États-Unis. J’aimerais voir à quoi va ressembler Trump président. En 2017, je vais piloter à vue. Et je veux être flexible. Très flexible. Pas de dogmatisme, mais du pragmatisme : ce sera mon thème pour 2017.
A quelles conséquences post-Brexit faut-il se préparer pour la France et les marchés financiers ? Et en corolaire, y voyez-vous un surcroit d’attractivité pour notre CAC40 ?
Je vous avoue que je pensais que la victoire du non au Brexit provoquerait un chaos sur les marchés, une récession en Grande-Bretagne et un effet de contagion en Europe. On est assez loin de ce scénario. Je pense néanmoins que les investisseurs sont devenus trop complaisants par rapport aux risques liés au Brexit. Le Brexit est un vrai événement et un vrai tournant pour l’Europe. Et pour tous les marchés financiers.
Le mot de la fin : à combien voyez-vous le CAC40 en janvier 2018 ?
J’adore poser cette question mais je déteste y répondre. L’euphorie actuelle peut s’amplifier dans les semaines qui viennent mais je crains qu’il y ait un accident en cours d’année. Ce sera alors probablement l’occasion de se repositionner à la hausse. Plutôt que jouer l’indice sur le long terme, je préfère les histoires d’entreprises et d’entrepreneurs sur le long terme et le trading à travers les futures et surtout les turbos call ou put sur le court terme.
Article tiré du magazine Strike 176 / Janvier 2017