Cela a pu passer inaperçu pendant ce week-end estival… Mais le 15 août, la Cour Constitutionnelle Allemande (CCA) a annoncé que, d’après elle, la Banque Centrale Européenne (BCE) dépasserait son mandat par son programme d’achats d’obligations gouvernementales (PSPP(1)). La Cour de justice de l’union européenne (CJUE) a ainsi été invitée à se prononcer sur la question. Même si la démarche a peu de chance d’aboutir, la pression ainsi exercée rend peu probable une nouvelle remontée de la limite de détention de ces obligations par la BCE. En conséquence de quoi, elle devra commencer une réduction de ses achats en 2018.
La CCA en est convaincue. La BCE, avec son PSPP, enfreint l’interdiction de financement des États et dépasse son mandat monétaire. Autrement dit, elle exerce ici une politique économique dont elle n’a pas l’autorisation.
Parmi les arguments soulevés, la CCA estime qu’il existe quelques évidences selon lesquelles les achats effectués par la BCE ne sont pas conformes à l’interdiction faite aux achats effectués sur le marché primaire. En effet, il n’existe aucun moyen de vérifier que ces achats ont respecté une période de temps minimale requise entre une émission obligataire sur le marché primaire et son achat sur le marché secondaire. Les économistes de Commerzbank estiment qu’avec des déclarations de ce type et tous les autres arguments circonstanciés développés dans sa requête, la CCA renforce l’idée selon laquelle il sera difficile pour la BCE d’augmenter à nouveau la limite d’achat existante de 33% par émetteur. En conséquence, la Banque devra commencer à réduire les achats au cours de l’année 2018…
Dans le passé, la CCA avait déjà contesté ainsi la politique de la BCE sur le terrain juridique et la CJUE ne l’avait pas suivie. Il y a peu de chance qu’elle le fasse aujourd’hui bien qu’il s’agisse d’une prédiction très incertaine de notre part… La CJUE pourrait notamment prétendre que, dans le cas de la PSPP, étant donné qu’il existait des menaces évidentes de déflation pendant de longs mois, l’objectif monétaire du programme était évident, et que par la même la BCE dépassait son mandat…
La CCA a certes demandé que la procédure soit traitée rapidement mais même si l’affaire reçoit un traitement prioritaire, un verdict n’interviendra pas avant que la BCE ne prenne la décision prévue pour l’automne en ce qui concerne les achats d’obligations en 2018. Le communiqué de presse du CCA du 15 août était particulièrement pertinent car il soulignait le caractère contraignant des limites légales pour la BCE. Comme indiqué ci-dessus, la limite d’achat de 33% sera sans aucun doute une des raisons principales pour que la BCE se décide cet automne à réduire ses achats en 2018.
(1) Public Sector Purchase Programme
Article tiré du magazine Strike 183 / Septembre 2017