Composante de la catégorie des métaux mineurs, le cobalt n’a en réalité de mineur que sa désignation, compte tenu de ses usages extrêmement diversifiés dans les domaines métallurgiques (superalliages, aimants, aciers spéciaux) et chimiques (produits chimiques pour batteries, catalyseurs, pigments). Son importance demeure par ailleurs vitale dans certaines industries, telle que la production de batteries Li-ion nécessaire à l’essor des véhicules nouvelles générations. A ce constat s’ajoutent d’importants risques géopolitiques liés à la localisation des activités de production et de raffinage, faisant du cobalt l’un des métaux les plus stratégiques du globe.
Si la spéculation a nettement pris le pas sur les fondamentaux du marché en 2016 et 2017, à travers une flambée déraisonnable des cours du cobalt de 220% sur cette période, les prix du métal ont depuis chuté vers leur niveau de 2016 (proche de 30.000 USD la tonne métrique), victimes d’une conjoncture économique hostile, gagnée par la montée des différends commerciaux. En ce sens, les opérateurs du négoce, tout comme les spéculateurs de la sphère financière, doivent évoluer dans le même environnement, celui d’un marché qui a tourné le dos à une vision long-termiste du cobalt qui paradoxalement jouit toujours de perspectives favorables.
A l’état actuel des technologies de l’industrie des batteries électriques, le cobalt demeure difficilement substituable dans la mesure où son remplacement se fait au détriment de la performance des batteries en termes de poids et d’autonomie. A ce jour, plus de la moitié de la production mondiale de cobalt est consommée dans la production de batteries rechargeables, utilisées dans les véhicules électriques, les appareils électroniques, les systèmes de stockages d’énergie ainsi que pour de nombreuses autres applications.
Plusieurs bureaux d’études avancent qu’il faudrait 70.000 tonnes de cobalt (50% de la production de 2018) pour répondre aux besoins croissants des batteries Li-ion d’ici à 2021. Un nombre qui passerait à 92.000 d’ici à 2025. Sur cette base, des tensions sur les prix ne sont pas à écarter, d’autant plus que l’offre et les réserves de cobalt demeurent extrêmement concentrées géographiquement. La production reste spécifique dans la mesure où ce métal est un sous-produit issu des gisements de cuivre pour 65% et de nickel pour 30%.
Les risques sur l’offre sont donc doubles. D’une part, les enjeux sont essentiellement centrés en République Démocratique du Congo où le négoce de matières premières se heurte à l’instabilité politique de l’un des pays les plus pauvres au monde mais aussi à la refonte de son code minier sujet à controverse. D’autre part, l’emprise que l’on pourrait qualifier de totale de la Chine sur la filière demeure un facteur d’incertitude supplémentaire sur les approvisionnements en cobalt raffiné. En effet, l’Empire du milieu raffine plus de la moitié de la production mondiale, une situation paradoxale compte tenu du fait que la Chine n’occupe que la douzième place des pays producteurs. Ce risque est d’autant plus patent aujourd’hui, à l’heure où l’opposition des Etats-Unis à la Chine demeure importante sur la thématique commerciale.
Très éloigné des critères sociaux et environnementaux dans la phase d’extraction, le marché du cobalt voit enfin arriver des acteurs comme Tesla, gros consommateur de ce métal stratégique, mettre en première ligne des contraintes d’approvisionnement responsable.
Patrick Rejaunier
Strike 210, Février 2020