Loin d’un effondrement, comme à l’époque des « accords du Plaza » en 1985, le dollar a tout de même cédé près de 14% de sa valeur face à ses contreparties monétaires sur les douze derniers mois.
Pourtant, tous les spécialistes s’accordaient à dire que 2017 ne pouvait que favoriser le billet vert, commentaires étayés par la nouvelle politique monétaire de la Fed. La Banque Centrale a, sans surprise, ajusté à trois reprises son taux directeur au cours de la séquence annuelle, incitée par une croissance efficace qui a elle-même abouti au plein emploi. Un tel environnement doit, selon la pensée orthodoxe, entraîner un regain d’inflation mais l’indicateur des prix reste largement sous les 2%.
La baisse généralisée du dollar s’est effectuée face à toutes les autres monnaies : de l’euro (pour laquelle la parité restait souvent évoquée) au yen en passant par les monnaies émergentes.
L’application de la réforme fiscale de Donald Trump, booster de croissance, n’a pas non plus profité à la monnaie américaine. Seules les actions en ont bénéficié de manière ostentatoire, en progressant sans limite. Le Dow Jones a ainsi établi plus de 70 records historiques en 2017 et avance sur le même rythme en cette nouvelle année.
Le dollar aurait pu profiter du rapatriement des réserves dispersées à l’étranger des différentes multinationales. Apple vient d’annoncer, notamment, que ses liquidités vont être rapatriées presqu’en totalité (350 milliards de dollars) sur les cinq prochaines années, en s’acquittant d’un impôt unique de 38 milliards. D’autres groupes, profitant de la baisse de la taxation des bénéfices, réagissent activement en mettant en place des politiques salariales généreuses comme la distribution de primes ou d’actions envers leurs employés, ce qui devrait doper la consommation (la marque de Cupertino annonce qu’elle versera 2500 USD en actions à chacun de ses salariés). Tout ceci pourrait rallonger le cycle historiquement long de croissance d’où le climat euphorique entretenu chez les investisseurs en actions.
La contrepartie de ces mesures fiscales se situe dans le recours à l’endettement massif même s’il ne faut pas sous-estimer les aspects psychologiques de la réforme et les investissements réalisés dans le pays (Apple recruterait 20 000 personnes pour son nouveau campus et ces data-centers). Le surplus de la dette américaine engendrée par les mesures fiscales continuera sans doute de bloquer la reprise du dollar.
Les bonnes perspectives économiques, pour l’ensemble de la planète, expliquent en partie l’affaiblissement du dollar. L’Europe fournit des signes tangibles de croissance avec des indicateurs PMI au plus haut.
L’image du Vieux Continent et sa croissance apathique se trouvent dynamisées par ces éléments porteurs, justifiant la hausse de l’euro. La même configuration s’applique pour l’Asie et les pays émergents. La concordance de ces anticipations positives renforce, de ce fait, les devises de chacune des régions du monde, au détriment du billet vert.
Dans ce cadre, les cambistes semblent accorder une attention particulière au risque d’un endettement pléthorique des Etats-Unis, jamais profitable à la devise, quitte à occulter les efforts vertueux des capitaux revenus fertiliser le sol américain et entretenir l’embellie économique.
Patrick REJAUNIER
Article tiré du magazine Strike 188 / Février 2018