Sur les bancs scolaires, lorsque l’histoire économique du Japon est abordée, il est souvent question de « miracle japonais » prenant racine dans les années 50. L’histoire nous apprend aussi qu’une décennie et demie plus tard, son PIB a été multiplié par 5, grâce à une industrialisation intensive et efficace, appuyée par une stratégie d’exportation à outrance. Ces excédents commerciaux assurent à l’archipel une croissance moyenne de 5% par an, permettant au Japon de devenir la deuxième puissance économique mondiale. La bourse de Tokyo en a profité jusqu’à son apogée en 1989, un plus haut jamais revu sur le Nikkei à proximité des 39000 points. Ce pic graphique marque aussi la fin de la bulle immobilière, elle-même encouragée par un fort taux d’épargne. Les années suivantes sont venues mettre un terme à l’embellie économique, pour enchaîner sur deux décennies “perdues”, où progressivement une “déflation rampante” s’installe, mettant ainsi un terme à l’irrésistible ascension de l’archipel Nippon. Afin d’endiguer cette léthargie économique, la Banque du Japon (BoJ) a lancé depuis plus de 5 ans un vaste programme d’achats intensifs créant une situation inédite pour un pays du G7, d’avoir une valeur des actifs détenus par la banque centrale supérieure au PIB du pays. Cette mesure non conventionnelle favorise l’inondation des circuits financiers de liquidités, afin de stimuler le crédit et la consommation, mais ne permet toujours pas d’atteindre les 2% d’inflation. Le Pays du Soleil Levant, tout comme la plupart des pays occidentaux, peine à retrouver une véritable hausse des prix. La concurrence exacerbée des pays voisins dont la Chine qui elle a, par ailleurs, pris sa place sur le podium des puissances économiques, et une génération vieillissante de consommateurs, privilégiant davantage l’épargne à la consommation, en sont les principales causes. Le pays a retrouvé de la vigueur grâce aux mesures du premier ministre Shinzo Abe, au pouvoir depuis fin 2012. Cet héritier d’une famille d’hommes politiques a su redynamiser l’archipel, en lançant ses trois flèches : accroissement de la masse monétaire, relance budgétaire par la politique de la demande, auxquels se rajoutent les réformes structurelles sur le droit du travail afin de renforcer la compétitivité.
A ce jour, les perspectives de reprise de la croissance restent tangibles, malgré un troisième trimestre accidentellement négatif (-0.6% du PIB). Abe avait même pris pour slogan dans son programme politique « remettre sur pied le Japon ». Sa reconduction à la tête de son parti libéral démocrate le désignant de facto premier ministre pour encore un an marque la confiance qu’il inspire toujours auprès de ses concitoyens. La récente victoire de Tokyo pour l’organisation des jeux olympiques de 2020 a d’ailleurs généré un surplus de popularité.
Résilient sur le plan structurel avec une dette publique financée par les japonais eux-mêmes, le pays demeure néanmoins exposé à l’économie mondiale, justifiant le maintien des mesures monétaires exceptionnelles. Malgré des taux bas, le yen pourrait être le grand gagnant de 2019, avec la fin du cycle expansionniste de l’économie américaine qui devrait engendrer des perspectives défensives chez les investisseurs et amplifierait, bien sûr, la demande en valeurs refuges dont la monnaie japonaise.
Patrick Rejaunier
Article tiré du magazine Strike 198 / Janvier 2019